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Victor Petrov : un personnage paradoxal

par Bogdan Mytrowytch

Une personne qui fut controversée en Ukraine et dans la diaspora ukrainienne, qui soulève beaucoup de questions encore aujourd’hui, et il y a même maintenant une page facebook portant son nom (en ukrainien). Je veux parler d’un personnage à multiples facettes, archéologue et ethnologue, académicien sous son propre nom, il fut philosophe sous le pseudo de Victor Ber, et romancier sur celui de V.Domontovytch. Il s’agit de Victor Petrov dont la disparition en le 26 avril 1949 à Munich en Allemagne et sa réapparition à Kyiv en 1956, souleva de vives émotions dans la diaspora intellectuelle ukrainienne. Ce sujet est revenu » sur la table » dans deux émissions présentées par l’historien Yuri Shapoval sur le « Canal 1 » et de Marko Robert Stech sur la chaine « Otchima Kultury » dans un passé récent en Ukraine. (Voir les vidéos ci-dessous)

http://uateka.com/uk/video/culture/90 http://www.oa.edu.ua/ua/etc/kontaktukrainiantv/2011_10

A New York, Yuri Shevolov,linguiste slavisant éminent, écrivit trois tomes sur Victor Petrov dans les fin années 80, selon Marko Robert Stech, Shevelov le considérait comme son ami… Victor Petrov fut » un des meilleurs cerveaux de la diaspora ukrainienne » selon ces termes. Les livres les plus connus sont « docteur Seraficus » et « Bez Hruntu ». Victor Petrov faisait partie avant la guerre d’un groupe ukrainien que l’on appelle les néo-classiques, qu’il a connu lors de ses études à Kyiv. Le but était de définir le passé historique souvent méconnu par beaucoup d’ukrainiens. (pour plus d’infos voir Wikepedia , édition ukrainienne)De célèbres écrivains, malheureusement inconnus en France composaient ce groupe littéraire : comme Mykola Koulitch,, Mykola Zerov ,Drai Khmara, Mykola Philipovitch, Maksym Rylsky et Youri Klenn* et d’autres, seul deux personnes échappèrent aux purges de ce groupe en 1938 , il s’agit de Maksym Rylsky et de …Victor Petrov, l’un fut libéré pour bonne conduite à la prison, et l’autre pour manque de preuves … Ce caractérisait Victor Petrov, c’est sa prudence et son côté solitaire, il ne se mêlait pas de groupement ouvertement politique…et n’était pas membre du parti communiste.

Regardons sa vie chronologiquement, Victor Petrov est né le 10 octobre 1894 à Ekatérinoslav, ville qui s’appellera plus tard Dniepropetrovsk. Son père était un pope de l’église orthodoxe, et sa mère sans profession. Très vite, il prend goût aux études, notamment en faisant ses études à l’Université Taras Chevtchenko à Kyiv, plus tard il va Kharkiv, qui est alors la capitale de l’Ukraine soviétique. La vie intellectuelle est rayonnante pendant la période que l’on appelle « l’ukrainisation », elle va de 1923 jusqu’en 1928… Au niveau universitaire, il se spécialise dans l’archéologie, il devient membre de l’Académie des Sciences de l’Ukraine en 1941. Avant la guerre il était plus connu pour ses travaux sur Taras Chevtchenko, Kostomarov, Lessia Ukrainka, Skovoroda… et sur l’ethnographie Lors de la guerre, il est transféré à Ufa, en Sibérie avec d’autres représentants des intellectuels ukrainiens, mais là, il disparait, et réapparait à Kharkiv. Rédacteur en chef d’une revue autorisé de sortir en ukrainien sous l’occupation allemande, qui s’appelle »Ukrainskij Yasiv » au printemps 42, et se fat bien voir par les occupants qui lui décernent le grade de sous-officier dans l'armée... Il travaille à Kharkiv avec d’autres refugiés ukrainiens comme Shevelov, Lavrinenko et Ulas Samchuk, d’ailleurs ce dernier se demande comment se fait-il que Victor Petrov n’a pas été réprimé par les purges staliniennes… .

Après la guerre, il se retrouve dans les camps de personnes déplacées en Allemagne, tenus par les alliés, essentiellement américain. Environ 200 000 ukrainiens se retrouveront dans ce genre de situation. Ils parviendrons à devenir des réfugiés malgré la commission de rapatriement soviétique.Il crée près de Nuremberg avec Ihor Kostetsky et Yuri Shevelov une association appelée MUR (Misteskij ukrainskij Rukh), dont il devient le président. A Munich, place forte de la diaspora ukrainienne, il enseigne au séminaire orthodoxe ukrainien, en même temps, il devient professeur à l’université ukrainienne libre(UVU), il est membre de la société scientifique Chevtchenko (NTCH) il publie des travaux remarquables sur la répression de l’intelligentsia dans les années trente en Ukraine.

En fait, Victor Petrov travaillait déjà comme agent soviétique pour sa branche militaire, depuis 1938. Là où il était libéré pour « manque de preuves ». Comment se fait- il qu’une personne n’ayant pas du tout le prototype « d’ homosoviéticus », une personne ayant l’esprit critique, européen convaincu, se battant contre « la provincialisation » de l’Ukraine, ouvert aux questions les plus diverses, y compris sur le sexe, soit devenu un agent du totalitarisme ? Comment se fait-il que cette personne a accepté de devenir un espion à la solde du Kremlin ?

Yuri Chevelov, qui l’avait connu personnellement, ne croyait pas à la version de l’agent, d’ailleurs d’après des témoins, il était accompagné de deux personnes en prenant le train pour Mittenwald. Il pense que Victor Petrov fut enlevé à son corps défendant, par la police secrète soviétique. En tout cas certaines archives concernant Victor Petrov se trouvent au Service de la Sécurité Ukrainienne, et montrent que la collaboration avec les services soviétiques était établie, même si certains documents ont disparu. Mais, comment se fait- il que Victor Petrov n’a pas pu retourner immédiatement en Ukraine en avril 1949 alors qu’il travaillait pour eux ? Il a dû rester à Moscou de 1949 à 1956 et n’a pu rentrer à Kyiv, seulement qu’en en 1956 pour rejoindre enfin sa compagne Sofia Zerova. Il se marie l’année suivante. Précision, Il l’avait connue avant la guerre, lorsque Mykola Zerov était encore vivant, avant d’être déporté et tué par police de Staline sur l’ile de Solovky.

En conclusion ce fut un agent du totalitarisme soviétique, cela n’enlève en rien au talent de Victor Petrov… Il avait « de multiples facettes à son arc », même si personnellement, j’ai du mal à croire qu’une personne, d’une telle potentialité intellectuelle, avait accepté de travailler volontairement . Malheureusement, dans les pays post-soviétiques, des personnes talentueuses rentrèrent à son service, et le drame de Petrov comme d’autres intellectuels ce qu’ils furent « cassés » par la machine totalitaire. Le premier août 1965, il a reçu une « médaille de premier ordre pour le dixième anniversaire la guerre patriotique », et continua ses travaux à l’académie des Sciences…limité seulement à l’archéologie. Il décède le 8 juin 1969, à Kyiv, où il fut enterré au cimetière militaire de Loukaniv, à côté de sa femme Sophia Zerova.

*A pu sortir d' Ukraine soviétique avant la répression de 1938.

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