La coupe et les prisonniers

Je suis de ceux qui pensent que le sport propage un message universel de fraternité.  Aussi les rencontres internationales, sont un progrès dans la communication entre les peuples de notre planète. Maintenant, il ne faut pas se leurrer, la politique est présente partout dans tous les domaines de la société, et elle peut instrumentaliser les différentes rencontres, y compris les rencontres sportives…Ce qui relativise beaucoup ce message.

Dans quelques jours la Coupe Mondiale du Football va avoir lieu à Moscou, à première vue cela parait très positif. Maintenant si on regarde le contexte politique, on peut constater que l’on est loin de cette idylle. Notamment, rien que pour l’Ukraine, le conflit russo-ukrainien dans le Donbass, l’annexion de la Crimée, les prisonniers politiques ukrainiens en Russie, assombrissent ce tableau idyllique d’une belle rencontre sportive internationale.

Il y a quelques jours avant la rencontre sur les accords de Minsk le 11 juin, il y a eu un contact téléphonique entre Porochenko et Poutine. Outre les pourparlers, il fut question d’un échange de prisonniers entre la Russie et l’Ukraine, notamment à l’occasion de la Coupe du Monde. Il ne faut pas oublier, qu’Oleg Sentsov a commencé la grève de la faim depuis le 14 mai, pour la libération de tous les prisonniers politiques ukrainiens en Russie, il a été rejoint par d’autres prisonniers ukrainiens, qui ont entamé à leur tour une grève de la faim. Une action de solidarité a commencé dans le monde entier pour la libération de tous les prisonniers ukrainiens, y compris en Russie, suite à l’appel d’Oleg Sentsov.

Néanmoins, si des espoirs subsistent notamment avec les pourparlers sur l’accord de Minsk, qui ont redémarré à Berlin après un an de suspension. Puis l’Occident, ne relâchant pas sa pression sur la Russie par les sanctions, malgré les pressions de différents lobbys économiques.  On peut ne pas cacher notre inquiétude quant à l’attitude de la Russie vis-à-vis de l’Ukraine après la rencontre mondiale de football. Souvenons-nous, ce qui s’est passé après les jeux olympiques de Sotchi en 2014 soient terminés, peu de temps après  ce fut  l’annexion de la Crimée et l’agression sur le Donbass.

Maintenant la question que l’on peut se poser : le boycott d’un événement sportif international  comme le championnat mondial du football, est-il un bon moyen de faire pression sur les autorités russes ? Ne serait-il pas plus judicieux d’aller sur place pour  faire avancer les choses ?...On peut se le demander, regardons un peu en arrière, avec ce qui s’est passé avec les Jeux Olympiques de Moscou.

Lors des jeux olympiques de Moscou en 1980 au moment du « rideau de fer », il y a eu des comités de boycott des jeux olympiques qui furent établis. Leur but était de  propager l’information sur l’état des Droits de l’Homme en URSS, et de peser sur la libération les dissidents soviétiques dont un grand nombre d’ukrainiens. Des dissidents, tels que Vladimir Boukovsky et Léonid Plioutchtch s’engagèrent pour le boycott. Il y a eu aussi en même temps un mouvement  pour encourager les voyages vers Moscou  afin d’essayer de propager l’information sur les dissidents sur place… Seul la campagne de boycott se révéla vraiment efficace, même si cela n’a pas pu entraîner tout de suite la libération des dissidents, mais avec « d’autres paramètres », comme la catastrophe de Tchornobyl, une prise de conscience citoyenne a eu lieu, le pouvoir soviétique n’était plus considéré comme infaillible, cela contribuera à affaiblir le système soviétique, ce  qui donnera la Perestroika.

Maintenant avec Internet la situation pourrait sembler différente. En effet, l’information circule beaucoup plus facilement, les contacts sont beaucoup plus amples. Le fait d’y aller en Russie fera t’il avancer pour autant la libération des prisonniers politiques ukrainiens ? Telle, fut la question posée aux spectateurs de l’émission populaire ukrainienne «Svoboda Slova» du 11 juin consacrée sur les prisonniers politiques ukrainiens en Russie. La grande majorité des spectateurs sur place sondés n’en  sont pas persuadés (66% contre, 34% pour). En plus, sur internet le résultat est encore plus significatif, (92% contre, 6% pour). Ce qui prouve, que malgré une communication plus amplifiée, pour beaucoup de personnes en Ukraine, seul le boycott reste l’arme la plus efficace.

 https://www.youtube.com/watch?v=83olt-OtwhQ