Le paysage politique ukrainien en France entre les deux guerres.

Récemment une personne d’Ukraine s’est adressée à moi pour que je donne « une image politique » de la diaspora ukrainienne en France entre les deux guerres... Dans cet article ce sera naturellement d’une manière la plus simple possible, qu’il sera montré quels sont les grands courants politiques qui y prédominaient.

Effectivement, une diaspora politique est venue s’installer en France, suite à la perte de l’indépendance de l’Ukraine déclarée le 22 janvier 1918. Cette indépendance fut éphémère, elle ne dura que trois ans. Le territoire de l’Ukraine fut divisé entre quatre états suite au traité de Paris en 1920, il s’agissait de la Russie soviétique, la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Roumanie.

Les ukrainiens qui vinrent s’installer en France au début des années vingt, avaient leur propres associations, qui représentaient des sensibilités politiques diverses, c'étaient souvent des anciens militaires. Des personnes, qui venaient de l’Ukraine centrale et orientale, appartenant à l’Ancien Empire Russe, et ceux de l’Ukraine de l’Ouest, appartenant à l’Empire Austro-Hongrois.

Déjà politiquement, on peut noter deux grands courants politiques qui vont se cristalliser entre les gens venant de l’Empire Austro-Hongrois et ceux de l’Empire Russe. Elles vont dominer la diaspora ukrainienne en France entre les deux guerres. Il s’agit, en ce qui concerne l’Ouest de l’Ukraine, les personnes qui vont se regrouper plus tard autour du journal « la Parole Ukrainienne »(Ukrainske Slovo), qui a été créé en 1933 à Paris. Cette diaspora était située politiquement plus à droite, que celle qui venait du Centre de l’Est et du Centre de l’Ukraine. Elle représentait un courant qui donnera quelques années plus tard l’Organisation des nationalistes Ukrainiens, qui c’était créé à Vienne en 1929, sous la houlette d’Evhen Konovaletz. Le représentant en France sera Alexandre Bojikiv, le premier rédacteur de la Parole Ukrainienne.

Les Ukrainiens du Centre et de l’Est, eux été regroupés autour d’un journal, qui s’appelait « le Trident »(Tryzoub), créé en 1924 à Paris, qui était d’inspiration social-démocratique, et dont le premier rédacteur fut l’ancien chef d’état ukrainien Simon Petlura, assassiné en 1926 par une personne à la solde du NKVD. Une autre mouvance d’inspiration social-révolutionnaire s’est crée autour de l’ancien général de l’armée ukrainienne Mykola Shapoval, qui dirigeait une dirigeait une grande association comptant plus d'un millier de personnes. C’était, on peut dire des socialistes, qui se situaient plus à gauche que le parti social- démocrate, mais qui contrairement à Mykhajlo Hruchevsky qui résidait à Prague, et ses acolytes ( certains comme Mykhajlo Hruchevsky sont retournés en Ukraine en 1924), refusèrent la collaboration avec les autorités soviétiques. Justement « les pro-soviétiques », avaient ici en France aussi une organisation, elle était présidée par un certain Elie Borchtchak, le futur fondateur de la chaire ukrainienne à L’INALCO (Ecole des langues orientales).

Signalons, que ces différences politiques s’estompèrent à la fin des années 2O. En effet, suite à l’assassinat de Simon Petlura, les nationalistes ukrainiens cessèrent leurs attaques contre lui, et son journal « Le Trident », reconnaissant ainsi son rôle en tant que leader de la révolution ukrainienne en 1918. De même, les partisans du général Shapoval, qui lui reprochèrent avant cette tragédie "son orientation droitière".... En ce qui concerne " les pro-soviétiques", il était clairs pour eux, que suite aux répressions massives staliniennes qui ont commencé en 1929, ils n’avaient plus rien à espérer de l’Ukraine soviétique, et se sont auto-dissous.

En analysant politiquement parlant… Il faut rappeler que les nationalistes accusaient du vivant de Petlura, d’avoir brader les territoires de l’Ukraine de l’Ouest au profit d’une alliance avec les Polonais contre Moscou. En ce qui concerne les ukrainiens de l’Ex-Empire Russe une scission politique grave s’est produite par rapport à l’Ukraine soviétique des années 20. En effet, le régime soviétique menait alors ce que l’on nommait «la politique de la créolisation », axée sur le développement de langue et culture ukrainienne, ce qui avait suscité l’espoir d’anciens dirigeants de l’Ukraine indépendante de 1918, tels que Volodymyr Vynytchenko et Mikhajlo Hruchevsky.

Voilà, le paysage politique qui prédominait la diaspora ukrainienne qui s’est enrichie de l’arrivée en 1930 des personnes venues pour des raisons économiques. La configuration politique changea avec l’arrivée des ukrainiens après la seconde guerre mondiale. Elle changea aussi, avec ceux qui sont venus après le rétablissement de l’indépendance de 1991, même si cette vague-là était essentiellement économique, elle a eu une répercussion politique certaine sur la diaspora, qui était, il faut le souligner, en grande partie « à côté de la plaque » avec la situation politique du pays jusqu’à l’indépendance.